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Recours à la surveillance des usagers (Exemple de procédure du CIUSSSCN)

SURVEILLANCE DE L’USAGER

La surveillance des personnes à risque suicidaire est une composante essentielle de la prévention du suicide en milieu hospitalier. Cette surveillance doit être établie selon le jugement clinique et s’adapter aux changements du niveau de risque suicidaire de la personne (CAMH, 2015, RNAO, 2009). À titre d’intervention thérapeutique, le niveau de surveillance peut s’avérer un moyen utile qui sera ajusté en fonction du risque évalué et du moment de la journée, par exemple (Perlman et al., 2011) lors d’un changement de quart de travail, lors des périodes de repas ou lors de moments critiques.

La surveillance constante devrait être utilisée en dernier recours, car il n’y a pas de données probantes sur la diminution de lésions auto-infligées (CHU de Québec, 2012). De plus, la littérature démontre que l’utilisation de la surveillance constante comporte des effets indésirables importants pour l’usager en lien avec le caractère intrusif et punitif de cette pratique. Elle est souvent perçue par les usagers comme une atteinte à leur vie privée, à leur intégrité et à leur dignité (Gagnon, Desmartis, Tantchu Dipankui, Gagnon & St-Pierre, 2013). Elle peut engendrer de l’anxiété, de la colère, de la honte en plus d’avoir des effets sur la condition physique, entre autres par l’immobilité (CHU de Québec, 2012).

Par ailleurs, le « Cadre de référence pour l’élaboration des protocoles d’application des mesures de contrôle, contention et isolement », le ministère de la Santé et des Services de sociaux du Québec précise que : « Lorsqu’un dispositif est utilisé dans le but de confiner une personne dans un lieu d’où elle ne peut sortir librement, on doit considérer qu’il s’agit d’une mesure de contrôle […]. De la même façon, si la personne est soumise à la volonté d’une tierce personne de façon à ne pas quitter l’espace désigné, l’isolement est une mesure de contrôle. » (p.13). Dans cette perspective, la surveillance constante confinant la personne dans un lieu restreint doit être considérée comme un isolement.

Définitions

Voici un exemple de niveaux de surveillance qu’on retrouve dans plusieurs centres hospitaliers. À noter qu’il est recommandé d’effectuer les surveillances à des heures variées et irrégulières (RNAO, 2009).

  • Surveillance discrète: Mesure requise lorsque l’usager présente un niveau de risque léger pour lui-même ou pour autrui. Cette mesure consiste à accorder une surveillance aux 30 minutes ou plus souvent, si requis. Elle implique que les intervenants connaissent les déplacements de l’usager. Ce niveau de surveillance se distingue de la tournée générale effectuée régulièrement sur les unités, dans la mesure où l’usager visé doit être localisé de façon spécifique.
  • Surveillance étroite: Mesure requise lorsque l’usager présente un niveau de risque modéré pour lui-même ou pour autrui. Cette mesure consiste à accorder une surveillance aux 15 minutes ou plus souvent, si requis. Elle implique que les intervenants sachent en tout temps où se trouve l’usager et ce qu’il fait.
  • Surveillance constante sans limites de déplacement: Mesure requise lorsque l’usager présente un niveau de risque élevé pour lui-même ou pour autrui. Cette mesure consiste à accorder une présence continue auprès de l’usager par un membre du personnel tout en lui permettant de se déplacer à l’intérieur de l’unité de soins ou du milieu de vie. En aucun temps l’usager ne peut être laissé seul.
  • Surveillance constante dans un lieu restreint (mesure de contrôle) : Mesure requise lorsque l’usager présente un niveau de risque élevé pour lui-même ou pour autrui. Cette mesure consiste à accorder une présence continue auprès de l’usager par un membre du personnel et à contraindre ses déplacements dans un lieu restreint. En aucun temps l’usager ne peut être laissé seul. La surveillance qui vise à limiter les mouvements et à confiner l’usager dans un lieu restreint doit être considérée comme un isolement et le protocole sur les mesures de contrôle doit être appliqué.

Responsabilités cliniques

Les médecins et les infirmières ont des responsabilités similaires au regard de la surveillance clinique à accorder aux personnes présentant des risques. Ces responsabilités sont notamment définies par la Loi médicale et par la Loi sur les infirmières et les infirmiers qui précisent les activités réservées à chacune de ces professions. Selon ces législations :

  • le médecin est responsable « d’exercer une surveillance clinique de la condition des personnes malades dont l’état de santé présente des risques »;
  • l’infirmière est responsable « d’exercer une surveillance clinique de la condition des personnes dont l’état de santé présente des risques, incluant le monitorage et les ajustements du plan thérapeutique infirmier ».

L’évaluation faite par l’infirmière lui permet de prendre la décision d’instaurer, de réviser et de cesser le niveau de surveillance requis. L’ordonnance médicale pour instaurer un niveau de surveillance n’est donc pas requise. Par contre, le médecin doit être informé dans les meilleurs délais lorsque la situation de santé de l’usager nécessite une surveillance étroite ou constante.

Bien que la détermination du niveau de surveillance soit une activité réservée, la collaboration interprofessionnelle est essentielle. Pour toute la démarche d’évaluation, d’application et de révision, les membres de l’équipe interprofessionnelle devraient être mis à contribution.

Engagement thérapeutique

Le rapport UETMIS (CHU de Québec, 2012) souligne l’importance de l’engagement thérapeutique lors de la mise en place d’une surveillance pour un usager. Au-delà d’assurer la sécurité, cette notion suppose d’établir en équipe interdisciplinaire des objectifs de soins clairs et de confier la tâche de surveillance potentiellement complexe à du personnel formé pour intervenir auprès d’une clientèle présentant divers problèmes de santé physique et mentale.

Afin de favoriser l’engagement thérapeutique, la surveillance devrait être assurée préférablement par un membre régulier de l’équipe clinique qui connaît bien l’usager. Selon la condition de l’usager, elle peut être est effectuée par une infirmière, une infirmière auxiliaire, un éducateur spécialisé, un préposé aux bénéficiaires ou un agent d’intervention ou selon la disponibilité des ressources. L’usager et ses proches sont aussi parties prenantes de la démarche et doivent être mis à contribution afin de participer à la recherche de solutions.

À titre d’exemple, on peut consulter la Procédure sur le recours à la surveillance des usagers du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Reproduction autorisée avec mention de la source : Association québécoise des infirmières et infirmiers en santé mentale.