ASPECTS LÉGAUX

En présence d’un comportement à risque suicide, différentes dispositions législatives existent au Québec en ce qui a trait à la protection et le risque de suicide.

Garde préventive

En premier lieu, les mesures exceptionnelles prévues par la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (LPPEM, couramment nommée Loi P-38) permettent d’hospitaliser une personne contre son gré si elle présente un risque pour elle-même ou pour les autres. Ainsi, l’article 8 nous indique que les intervenants (policiers, ambulanciers et intervenants de centre de crise) peuvent demander qu’une personne à risque suicidaire soit conduite dans un établissement de santé :

Art. 8. Un agent de la paix peut, sans l’autorisation du tribunal, amener contre son gré une personne auprès d’un établissement visé à l’article 6 : 1° à la demande d’un intervenant d’un service d’aide en situation de crise qui estime que l’état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui ; 2° à la demande du titulaire de l’autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l’une ou l’autre des personnes visées par l’article 15 du Code civil, lorsqu’aucun intervenant d’un service d’aide en situation de crise n’est disponible, en temps utile, pour évaluer la situation. Dans ce cas, l’agent doit avoir des motifs sérieux de croire que l’état mental de la personne concernée présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui.

Une fois la personne conduite dans un établissement de santé, une garde préventive peut être appliquée pour une durée maximale de 72 heures sans nécessiter une ordonnance du tribunal si la personne est évaluée par un médecin comme présentant un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui (LPPEM, art.8).

Consentement aux soins

En matière de consentement aux soins, le Code civil du Québec stipule à l’article 13 qu’une personne peut être soignée sans son consentement si sa vie est en danger :

En cas d’urgence, le consentement aux soins médicaux n’est pas nécessaire lorsque la vie de la personne est en danger ou son intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile.

Confidentialité et secret professionnel

Le majeur et le mineur de tout âge ont le droit au secret professionnel, ce qui constitue la base de la relation thérapeutique. Les exceptions à la confidentialité du dossier et au secret professionnel sont : l’autorisation de l’usager (Chartes des droits et libertés de la personne art.9 et Loi sur les services de santé et les services sociaux [LSSSS] art. 19), l’autorisation par le parent, l’intérêt du mineur (LSSSS art.17), les renseignements nécessaires à l’exercice d’un droit comme le consentement aux soins (LSSSS art.22), la déclaration incident-accident (LSSSS art. 8 et art. 233.1), la DPJ (Loi sur la protection de la jeunesse, art.39, art. 44, art. 35.4, art. 36), une raison impérative et juste (code de déontologie) et d’autres directives en vertu de l’art. 19.0.1 de la LSSSS.

En ce qui a trait à la confidentialité et au partage de l’information, la LSSSS prévoit qu’en présence d’un risque de suicide, les informations contenues au dossier de l’usager peuvent être communiquées sans son consentement. On spécifie que les personnes autorisées à communiquer l’information doivent uniquement s’en tenir aux renseignements nécessaires à prévenir le geste de suicide. Dans un même ordre d’idée, le Code des professions du Québec, qui s’applique aux infirmières, nous indique à l’article 60.4 al. 3 que :

Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.

Après la divulgation, il faut consigner au dossier de l’usager :

  • L’identité du déclarant ;
  • Court énoncé de la nature du danger que l’on cherche à prévenir ;
  • L’identité de la ou les personnes menacées ;
  • Le nom et la fonction de la personne à qui les renseignements sont communiqués ;
  • L’identité de la personne qui a signalé le danger ;
  • Le mode de communication utilisé ;
  • Les renseignements qui ont été communiqués ;
  • La date et l’heure de la communication ;
  • Tout autre élément jugé pertinent.

 

Comme on peut le voir, il importe pour l’infirmière de connaître les différents enjeux légaux ayant attrait au risque de suicide, que ce soit en matière d’hospitalisation de la personne pour la protéger d’elle-même, pour le consentement aux soins à fournir dans un contexte d’urgence suicidaire, ainsi que par rapport au respect de la confidentialité et au partage de l’information.

Reproduction autorisée avec mention de la source : Association québécoise des infirmières et infirmiers en santé mentale.